R E M I G I U S [1]

évêque de Rouen de ? 755 à ? 771/2

Fils naturel de Charles-Martel [2], Remigius [3] reçoit de son demi-frère Pépin divers biens bourguignons, dont des biens de l'église de Langres [4].
Les Gesta sanctorum patrum Fontanellensis coenobii du IXe siècle [5] rapportent qu'après la déposition de l'évêque Ragenfridus, en 755, c'est à Remigius qu'est donné l'évêché de Rouen.
En 760 [6], le roi Pépin l'envoie avec le dux Autcharius en mission en Italie pour régler les différends entre le pape Paul Ier et le roi lombard Desiderius, mission remplie en partie avec succès en avril de cette année.
Dans une autre lettre à Pépin [7], le pape [8] rapporte que Remedius avait fait venir de Rome Symeon, chef de la schola cantorum, pour instruire ses moines dans le chant liturgique romain; celui-ci ayant dû rentrer prématurément, Remedius envoie ses propres moines à Rome afin d'y parfaire leur formation.
Remedius vocatus [9] episcopus civitate Rodoma souscrit l'association de prières [10] conclue lors du synodus conventus d'Attigny qui se tient vraisemblablement en 762.
D'après la tradition [11], Remigius Rotomagensem episcopum aurait été chargé par Pépin de ramener à Montecassino les reliques de saint Benoît alors au monastère de Fleury, ce que seul un miracle aurait empêché [12].
Par un diplôme non daté [13], le roi Charles le Chauve confirme les chanoines de l'église cathédrale (Sainte-Marie) dans la possession de leur mense canoniale composée de biens qui leur ont été successivement attribués par l'archevêque Remigius [14], ceux-ci leur ayant été confirmés par un précepte de Charlemagne [15], puis par les successeurs de Remigius sur le siège de Rouen; suit l'énumération de ces biens [16].
Le 26 mai 876 [17], Charles le Chauve confirme aux moines du monastère de Saint-Pierre, où repose le corps de saint Ouen [18], la possession et l'administration des biens affectés à leurs besoins, conformément à l'attribution qui leur en avait été faite au temps de l'évêque Remigius [19], et énumère ces biens [20]. Il stipule en outre que des avoués seront établis à perpétuité sur tous les domaines où il en a existé au temps de l'évêque Remigius [21].
La date de la mort de Remigius est placée par des textes très postérieurs en 771 ou 772 [22], au 19 janvier [23].


[1] Autres formes onomastiques: Remedius, Remegus.
[2] Codex Carolinus n° 19 et 41, MGH Epistolae III p. 519-520 et 553-554 (Jaffé, Mon. Carol., p. 86-88 et 139-140): Remedius germanus vester (= Pépin); Pradié, Chronique, c. VIII/3 p. 100; Lohier/Laporte, Gesta, p. 62: Remigio, fratri eiusdem gloriosi regis Pippini; Adrevaldi Miracula s. Benedicti, MGH SS XV,1 p. 485: Remigium Rotomagensem episcopum, naturalem suum (= Charles-Martel) ac Karlomanni fratrem; Genealogia comitum Flandriae, I, MGH SS IX p. 302: Karolus senior et dux genuit Pipinum, Karlomannum, Griphonem et Bernardum ex regina, Remigium et Geronimum ex concunbina; cf. Hlawitschka, Die Vorfahren,  p. 79-81 n° 32, 42 et 44.
[3] Peut-être est-il identique au Remedius, cité parmi les fideles de Pépin dans un jugement du 11 février 748.
[4] Bougaud/Garnier, Chronique, p. 248-249: Pipinus igitur Rex habuit quendam fratrem, nomine Remigium, cui in Burgundia plurima loca concessit. Inter quae etiam res ad Episcopatum Ecclesiae Lingonensis pertinentes, quas sicut sibi visum est, suis asseclis dimisit. Sed, o nefas! Monasterium (= Bèze, Côte-d'Or, arr. Dijon, cant. Mirabeau) hoc Anglae uxori cujusdam Theotardi, quia ejus stupro potitus fuerat, non custodiendum, sed diripiendum dedi. Sur cette divisio, cf. Semmler, Die Aufrichtung, p. 33-35. Il est improbable que Remigius ait occupé le siège épiscopal de Langres, malgré Bougaud/Garnier, Bèze, p. 249: Postquam autem remoto Remigio Episcopatus Lingonensis Episcopis legitimus cessit, , cf. Marilier, Quelques aspects, p. 17-18, 21-22; Gallia Christiana, t. 4, c. 525, 705. Sur la valeur historique de la Chronique de Bèze, composée au XIIe siècle, cf. Bougaud/Garnier, Chronique, p. XXV-XXVII.
[5] Pradié, Chronique, p. XXV-XXVIII; Lohier/Laporte, Gesta, p. XXXI-XXXIII, 62. La date de 755 pour le début de l'épiscopat de Remedius à Rouen est confirmée par un manuscrit des Annales Petaviani (ms. lat. 4995 Bibliothèque Nationale de Paris ; MGH SS I p. 11); cf. Werner, La date, p. 135 (ou Werner, Das Geburtsdatum, p. 148; ce dernier, p. 130-136, penche pour l'hypothèse que les notices en question ont été rédigées en 770 ou peu après); Hahn, Jahrbücher,  p. 8 et n. 4.
[6] Lettre du pape à Pépin d'avril 760: Codex Carolinus n° 19, voir n. 2 supra; cf. Kehr, Über die Chronologie, p. 146-148; Oelsner, Jahrbücher, p. 343-344.
[7] Codex Carolinus n° 41, cf. n. 2 supra. Cette lettre non datée est donc à placer après le voyage de Remedius à Rome en 761. Peut-être a-t-il alors même ramené Symeon avec lui. Comme l'on ignore l'identité du moine franc qui composa le sacramentaire du VIIIe siècle dit Gélasien, l'hypothèse de voir en Remedius son auteur a été avancée (cf. Vogel, Introduction, p. 58-67), du fait de son zèle pour la liturgie latine.
[8] +  28 juin 767.
[9] Cette expression pourrait désigner un évêque non encore consacré, mais aussi être une formule d'humilité (cf. Niermeyer, Mediae Latinitatis Lexikon, p. 116 qui cite justement l'exemple de Remedius!). Il faut remarquer que Remigius ne figure pas parmi les participants du concile de Compiègne de 757, ni parmi les témoins du diplôme de Pépin pour le monastère de Prüm du 13 août 762 (cf. Ewig, Saint Chrodegang,  p. 240-248).
[10] Manuscrit du VIIIe siècle: MGH Conc. II,1 p. 72-73; cf. Hartmann , Die Synoden,  p. 79-81; de Clercq, La législation,  p. 143; Oelsner, Jahrbücher, p. 361-363, 366, 474-477; Schmid/Oexle, Voraussetzungen,  p. 107 n. 50; Werminghoff, Verzeichnis, p. 469.
[11] Adrevald de Fleury, MGH SS XV,1 p. 484-485 (vers le milieu du IXe siècle); cf. Vidier, L'historiographie, p. 252-253; Hoffmann, Abtslisten , p. 339, 342-346; Tangl, Die Sendung,  p. 30-31.
[12] Cette anecdote, à mettre en rapport avec une lettre du pape Zacharias de (748/751), se placerait donc à une époque où Remigius n'était pas encore évêque de Rouen. En effet, dans cette lettre adressée à omnibus sacerdotibus (et) presbyteris ecclesiae Francorum, le pape relate que l'abbé Optatus de Montecassino et le moine Carloman, frère du maire du palais Pépin, désirant réconcilier ce dernier et son frère Griffo par l'envoi de moines, ont prié le pape de s'entremettre pour l'œuvre de paix et aussi pour la restitution des reliques de beati Benedicti (Codex Carolinus n° 18, MGH Epist. III p. 467-468; lettre datée d'après la mention du maire du palais Pépin; cf. Jaffé, Regesta,  p. 268 n° 2290; Hoffmann, Abtslisten, p. 338-346 qui arrive à la conclusion que la lettre est authentique).
[13] DCC II n° 399 p. 384-390 à placer entre mars 872 et le 25 décembre 875. Original perdu, copie du XIIIe siècle.
[14] Peut-être est-ce Remigius qui créa la communauté de chanoines à la cathédrale de Rouen (cf. Gauthier, Rouen, p. 17). Mais, dans l'acte cité, il est aussi fait mention de Rainfredus episcopus, prédécesseur de Remigius, ainsi que de Grimo … archiepiscopus, mentionné en 744.
[15] Diplôme perdu, cf. DCC II p. 385.
[16] Le diplôme fait mention d'un vicedominus de l'archevêque Remigius au sujet du don d'une vigne, d'un bien en Pincerais donné à Remigius par un certain Gerbaldus.
[17] Original. DCC II n° 407 p. 406-411.
[18] Le premier texte connu  où Saint-Ouen de Rouen soit considéré comme un monastère est de 872 (cf. Gauthier, Rouen, p. 15; Gallia Christiana, t. 11, c. 136). Mais cette communauté monastique est antérieure à 842 (cf. Vita IIa  S. Audoeni, 46, AA. SS. Aug. IV p. 819).
[19] "Ce pourrait bien être lui qui aurait installé à Saint-Ouen une communauté de moines en la dotant de biens propres" (cf. Gauthier, Rouen,  p. 15-16; Semmler, Episcopi potestas, p. 309).
[20] Cf. DCC II p. 406 n. 3.
[21] Ibid. p. 407 n. 1.
[22] Vita S. Remegii episc. Rotomag., AA. SS. Ian. II p. 235-236 (composée avant 1090, cf. Abel, Jahrbücher, p. 85 n. 6 et 86); Gallia Christiana, t. 11, c. 19-20; certaines listes épiscopales depuis le XIIe siècle, cf. Sauvage, Elenchi, p. 406-428 et tableau à la fin du livre. Le successeur de Remigius, Mainhardus, n'est  attesté avec certitude qu'à partir de 794 (cf. Duchesne, Fastes, II, p. 210).  
[23] Vita S. Remegii, cf. note précédente; Gallia Christiana XI c. 20: 14. Cal. Februarii.