C H A R I B E R T U S [1]

comte de Laon (VIIIe siècle)

Un manuscrit du Xe ou XIe siècle provenant de Saint-Bertin [2], contenant entre autres les Annales royales, indique pour l'année 748 ou 749 que Pippinus coniugem duxit Bertradam cognomine Bertam [3], Cariberti [4] Laudunensis comitis filiam.
Dans l'important diplôme du 13 août 762 [5] en faveur du monastère de Prüm [6], édifié [7] par le roi Pépin et son épouse Bertrada, il est spécifié que Heribertus, père de cette dernière, lui avait légué in alode [8] une portio [9] de la villa quae dicitur Rumerucoyme [10] en Charosgau [11] ainsi qu'une portio de Reginbach [12] en Ripuarie [13].
Le 23 juin 721, à Prüm [14], Bertrada seu Berta [15] et son fils Chairibertus/Charibertus [16] fondent en ce lieu un monastère [17] qu'ils dotent [18] d'un domaine délimité [19] entre la Prüm [20 et le Mehlenbach [21] ainsi que la moitié de Romairo uilla nostra portione [22], de Prumia medietate similiter [23], la totalité de Saraingas [24] en Moselgau sur la Moselle, la totalité de leur part à Bursis [25] et la totalité de leurs biens à Blancio [26] ainsi que leur part de Bertelingas [27].
Toujours vraisemblablement en 721 [28], in villa Sismere [29], Berta Deo sacrata, et filius … Chardradus et Harbertus [30], donne au monastère d'Echternach Creucchouillare [31] in pago Bedensi [32] super fluuio Prumia [33].


[1] Autres formes onomastiques: Caribertus, Chairibertus, Heribertus, Chardradus, Harbertus.
[2] Annales regni Francorum, MGH SS rer. Germ. [21], p. 8 pour la fin de l'année 748 (addition de la recension nommée C 3 par l'éditeur p. XI; l'indication de l'année 749 manquant dans ce manuscrit, il n'est pas certain à quelle année doit se rapporter ce renseignement, cf. p. 8 n. a); Annales Bertiniani, MGH SS rer. Germ. [52], p. 1 pour l'année 749; cf. Boschen, Die Annales, p. 188 et n. 31-33.
[3] Les Annales Prumienses (Boschen, Die Annales, p. 79; ajout d'une main "h" du Xe siècle; MGH SS XV,2 p. 1290) signalent pour l'année 744: Coniunctio Pippini regis  et Bertrade regine. Malgré l'utilisation anachronique des titres de roi et de reine, cette source, provenant de Prüm (cf. infra), pourrait bien remonter à une tradition locale fiable (cf. Boschen, p. 183, 188-189 et n. 38; Werner, La date, p. 137 et n. 2). De plus, Charlemagne est vraisemblablement né le 02 avril 748, après que ses parents aient été, semble-t-il, quelque temps sans descendance (cf. Becher, Neue Überlegungen, p. 37-60 et n. 48, corrigeant Werner, p. 116-142, qui proposait le 02 avril 747). Un Aribertus est mentionné en 744 parmi les proches de Pépin.
[4] Seule mention du père de Bertrada comme comte de Laon. Le destin de cette cité, malgré l'importance de ses fortifications, ne nous est pas connu pour les époques de Pépin, Charlemagne et Louis le Pieux, Caribertus en étant le seul comte connu avant la deuxième moitié du IXe siècle (cf. Lusse, Naissance, p. 230 sqq., 345-346; Ebling, Prosopographie, p. 104 n° CIX).
[5] Liber aureus de Prüm du Xe siècle : Nolden, Das "Goldene Buch", fol. 2a-4a p. 15-19 (traduction en allemand n° 4 p. 254-257); MGH DK I n° 16 p. 21-25 ; Beyer, Urkundenbuch, n° 16 p. 19-22; Calmet, Lorraine, II, preuves, c. CI-CIII; cf. BM² 95 p. 48-49; Oelsner, Jahrbücher,  p. 357-358.
[6] Allemagne, Rheinland-Pfalz, Lkr. Bitburg-Prüm.
[7] Il s'agit en réalité d'une deuxième fondation, car, déjà en 721, une Bertrada seu Berta et son fils Chairibertus, le futur père de la femme de Pépin, avaient doté un premier monastère (cf. infra).
[8] En propre.
[9] Pépin, de son côté, donne au monastère entre autres sa portio de la villa de Rommersheim ainsi que de celle de Rheinbach (cf. infra), toutes deux lui venant de son père Charles(-Martel). Le diplôme précise que les portiones de Pépin et de Bertrada constituaient l'intégralité de la villa, les donateurs ne se réservant ad nostrum opus que 36 mancipia (cf. Werner, Der Lütticher Raum, p. 270 et n. 408).
[10] Rommersheim, Allemagne, Rheinland-Pfalz, Lkr. Bitburg-Prüm.
[11] in pago Charos: pays situé entre l'Ardenne, le Bidgau et l'Eifelgau (cf. Müller-Kehlen, Die Ardennen, p. 105-106, carte; Willwersch, Die Grundherrschaft, p. 28 et 123 n. 34).
[12] Rheinbach, Allemagne, Nordrhein-Westfalen, Rhein-Sieg-Kreis. Cf. n. 9 supra.
[13] in pago Riboariensi: sur ce pagus correspondant à l'antique civitas de Cologne, cf. Nonn, Pagus, p. 164-172.
[14] Liber aureus de Prüm du XIIe siècle: Nolden, Das "Goldene Buch", fol. 82a-83a p. 177-179 (n° 1 p. 252-253 pour la traduction en allemand); Beyer, Urkundenbuch, n° 8 p. 10-11, avec les corrections apportées par Levison, Zur ältesten Urkunde, p. 383-385;  Pardessus, Diplomata, II, n° 516 p. 328-329; Calmet, Histoire, II, preuves, p. 91-92; cf. Wampach, Urkunden- und Quellenbuch, I, n° 16 p. 15-16.
[15] Que cette première Bertrada ait été une sœur de Plectrudis, femme de Pépin, maire du palais mort en 714, grand-père du futur roi de ce nom, n'est pas établi avec certitude (cf. Hlawitschka, Zu den Grundlagen, p. 1-61; Werner, Der Lütticher Raum, p. 268-280).
[16] Si l'on compare les deux actes de 721 et de 762, il faut admettre que le fils de la Bertrada de 721 est identique au père de l'épouse du Pépin de 762, Wandalbertus, écrivant en 839, rapportant d'ailleurs que la nouvelle fondation de Prüm a eu lieu à la demande de cette dernière (Stiene, Wandalbert, p. 85; MGH SS XV,1 p. 372; cf. Willwersch, Die Grundherrschaft, p. 23 et 119 n. 24; Hlawitschka, Zur landschaftlichen Herkunft, p. 4 et n. 14; du même, Merowingerblut, p. 69; Haubrichs, Die Tholeyer Abtslisten, p. 125-126). 
[17] Cette fondation semble ne pas avoir été durable, puisque le roi Pépin et son épouse (ré)édifient le monastère vers 751/752: voir le diplôme de 762 supra, ainsi que celui du 27 mai 752 (MGH DK I n° 3 p. 5-6); cf. Willwersch, Die Grundherrschaft, p. 22; Werner, Adelsfamilien, p. 271; Hlawitschka, Zur landschaftlichen Herkunft, p. 4 et n. 12.
[18] Cf. Gauthier, L'évangélisation, p. 338-340.
[19] Cf. Willwersch, Die Grundherrschaft, p. 24-25.
[20] Affluent de la Sûre (Sauer), elle-même affluent de la Moselle. Cf. carte Gauthier, L'évangélisation, p. 324.
[21] in Melina flumen: affluent de la Prüm, confluent au sud-ouest de Prüm.
[22] Rommersheim, cf. supra n. 9. Bertrada a dû récupérer sa donation puisque Heribertus peut léguer toute la portio de la villa à sa fille (cf. Werner, Adelsfamilien, p. 271).
[23] Correspondant sans doute aux limites décrites plus haut dans l'acte, cf. Gauthier, L'évangélisation, p. 340.
[24] Il s'agit vraisemblablement de Schweich (Rheinland-Pfalz, Lkr. Trier-Saarburg), qui est appelé Soiacum dans le diplôme de 762 (cf. supra) dans lequel Pépin dit qu'il donne au monastère in pago Muslinse … villas … Marningum (Mehring, Rheinland-Pfalz, Lkr. Trier-Saarburg) et Soiacum (cf. Gauthier, L'évangélisation, p. 340 n. 386; Hlawitschka, Zur landschaftlichen Herkunft, p. 13 n. 49; Willwersch, Die Grundherrschaft, p. 39-40).
[25] Peut-être le Birgisburias du diplôme de 762 (… Tradimus alia dua loca in Carasco … id est Wathilentorp [Wetteldorf, Rheinland-Pfalz, Lkr. Bitburg-Prüm] et Birgisburias [Birresborn, ibid.] …) ou Burbach [ibid.] (cf. Gauthier, L'évangélisation, p. 340; Hlawitschka, Zur landschaftlichen Herkunft, p. 13 n. 49). Müller-Kehlen, Die Ardennen, p. 254-256 propose Bourcy (Belgique, prov. Luxembourg, arr. Bastogne), identification que reprend Nolden, op. cit., n° 1 p. 252.
[26] Sans doute Oberweis (Rheinland-Pfalz, Lkr. Bitburg-Prüm); cf. Gauthier, Hlawitschka, Nolden, comme note précédente; Hlawitschka, Studien, p. 46-48 n. 191 qui ne rejette pas entièrement une proposition d'identification avec Lank, aujourd'hui comm. de Meerbusch-Lank-LatumNordrhein-Westfalen, Kreis Neuss.
[27] Vraisemblablement Birtlingen, Lkr. Bitburg-Prüm (cf. comme n. 25). Autres propositions, cf. Hlawitschka, Zu den Grundlagen, p. 47-48 n. 182, p. 55-56.
[28] Liber aureus Epternacensis dans sa partie de la fin du XIIe siècle (cf. Wampach, Geschichte, I, 1 p. 67-79); Wampach, Geschichte, I/2, n° 33 p. 76-77; MGH SS XXIII p. 63. La date n'est pas mentionnée, mais elle doit être de la 1re année du règne de Thierry (IV), c'est à dire de 721/722 (cf. Weidemann, Zur Chronologie, p. 205-209 pour le début du règne de ce roi). 
[29] ? Simmern, Rheinland-Pfalz, Rhein-Hunsrück-Kreis.
[30] Wampach, Geschichte, I,1, p. 121-122 n. 7 pense que le et de la charte a ici le sens de qui et. Il s'agirait donc de la même personne. Cf. aussi Werner, Adelsfamilien, p. 271 n. 413.
[31] ? Schankweiler, Rheinland-Pfalz, Lkr. Bitburg-Prüm ou Oberweiler, ibid. (cf. Vannérus, Le Cartulaire, p. 222-223).
[32] Bidgau.
[33] En réalité sur l'Enz, un affluent de la Prüm (cf. supra n. 31).